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Légende de St Materne, évangélisateur de l'Alsace



Pierre, ayant eu en révélation que le temps de son martyre approchait, réunit à Rome ses disciples, désireux de répandre l’Évangile, et leur tient ce discours : « Mes chers frères, Notre Seigneur Jésus Christ m’a envoyé avec ses autres disciples dans le monde, comme des brebis parmi des loups, pour travailler à faire lever et fructifier le grain qu’il a semé et confié à la terre. Et moi aussi je veux envoyer à travers le monde tous ceux d’entre vous qui le souhaitent. »

Et il leur donna le pouvoir de lier et de délier les péchés et de faire des miracles, et il les envoya vers les divers pays. Il envoya saint Apollinaire à Ravenne, saint Martial en Aquitaine et saint Clément à Metz, et les autres dans d’autres pays. Ainsi, saint Pierre envoya vers le Rhin saint Materne avec ses deux compagnons, Eucharius et Valerius, qui étaient prêtres.

Saint Materne et ses deux compagnons partirent de Rome. Arrivés en Haute Alsace, ils se mirent à prêcher la foi chrétienne au peuple.

Ce peuple était païen, mais voyant les prodiges et les miracles que faisaient saint Materne et ses compagnons (car ils ressuscitaient les morts, pansaient beaucoup de malades et délivraient les possédés), les gens se firent baptiser et embrassèrent le christianisme.

Alors saint Materne emmena les convertis au temple païen d’Ebersmunster, brisa les images des idoles et fit du temple une église pour les chrétiens ; parmi les hommes convertis, il en consacra quelques-uns comme prêtres, qui devaient servir cette Église et enseigner la foi au peuple ; et c’est en effet ce qu’ils firent.

Alors saint Materne alla à Strasbourg, y prêcha la foi et la parole de Dieu ; mais les gens ne l’écoutèrent point et le raillèrent, car dans les villes le peuple ne se laisse pas aussi facilement instruire que dans les villages où il est plus simple. Saint Materne en voulant punir les bourgeois pour leur dureté et leur manque de foi, décida, comme à Ebersmunster, de changer leurs temples païens en églises à Strasbourg. Alors les bourgeois se mirent en colère, le frappèrent ainsi que ses compagnons et le chassèrent en les accablants d’une grande honte.

Ils supportèrent tout cela avec patience et retournèrent à leur église récemment construite d’Ebersmunster, et vers le peuple qu’ils avaient converti.
En route, près de Benewelt (Benfeld), saint Materne tomba gravement malade et mourut. Ses compagnons, Eucharius et Valerius, furent très affligés ; ils prirent le corps et le portèrent au-delà de l’Ill, dans un lieu inhabité et l’inhumèrent avec de grandes lamentations ; d’où le nom donné à ce lieu de « Eley », qui signifie « grands cris ».

Quand ils eurent enseveli leur maître, ils eurent peur de la fureur des païens de Strasbourg : ils prirent la fuite et retournèrent à Rome vers saint Pierre, pour lui raconter tout ce qui s’était passé et lui dire la fin déplorable de leur maître.

Saint Pierre les accueillit avec bienveillance et leur dit : « Ne vous rappelez-vous plus ce que je vous ai souvent prédit ? Quand vous m’avez quitté, je vous ai dit qu’il faudrait beaucoup souffrir au nom du Christ, afin de gagner le royaume des Cieux ? Sachez que votre frère Materne est endormi. Prenez mon bâton et hâtez-vous vers le lieu où vous l’avez enseveli, mettez mon bâton entre ses mains et dites-lui : « Frère Materne, saint Pierre, l’un des Douze, t’ordonne au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit de te relever et de remplir ta mission de prédication. »

Les deux hommes prirent le bâton et la bénédiction de saint Pierre ; ils partirent contents, et en quinze jours parvinrent de Rome en Alsace. Ils assemblèrent le peuple des croyants et leur répétèrent les paroles de saint Pierre. Alors ils se rendirent sur le tombeau de saint Materne, suivis d’une grande foule de chrétiens que saint Materne avait convertis. Il vint aussi quelques païens de Strasbourg, pour voir ce qui se passerait. Arrivés au tombeau, Eucharius et Valerius creusèrent la terre ; ils y trouvèrent le corps de saint Materne bien conservé et « sentant bon ». Ils mirent entre ses mains le bâton de saint Pierre et dirent les paroles qui leur avaient été commandées Alors saint Materne ouvrit les yeux, se releva et sortit du tombeau en s ’appuyant sur le bâton. Le peuple poussa des cris de joie et loua Dieu pour ce miracle Saint Materne imposa silence au peuple et dit :
« Comme vous le savez, j’avais quitté ce monde et j’étais entré au repos éternel. Grâce aux prières de saint Pierre, me voici revenu à la vie, et je dois passer parmi vous autant d’années que j’ai passé de jours dans ce tombeau. « Or, il avait bien passé trente jours dans son tombeau.
Son discours provoqua une grande joie dans le peuple, et les païens présents se firent tous baptiser.
La nouvelle se répandit à Strasbourg, et dans d’autres villes et villages, et beaucoup de gens aspirèrent à la foi. Saint Materne alla donc à Strasbourg, fit de grands miracles et convertit les bourgeois à la foi chrétienne. Ils l’aidèrent à élever hors ville une église en l’honneur de saint Pierre, encore du temps de son vivant. Et ce fut la première église élevée à Strasbourg.
C’est ainsi que Strasbourg fut converti au christianisme par saint Materne et ses compagnons, alors que l’on comptait après la naissance de Dieu soixante-quatre ans.

Ensuite à la demande du peuple des villages, saint Materne bâtit une église à Molsheim, aussi en l’honneur de saint Pierre, et la nomma en langage welche Dompeter (Domus Petri) ce qui signifie la maison de Pierre.

Ensuite saint Materne ordonna des prêtres pour la communauté de Strasbourg afin qu’ils enseignassent le peuple et le confirmassent dans sa foi chrétienne, et il arrangea tout pour le mieux. Puis il s’en alla avec ses compagnons à Trèves qui était la ville allemande la plius importante de l’époque, où il convertit les hommes, ainsi qu’à Cologne et à Tongres (Tongeren) ; et pendant trente ans jusqu’à sa mort, il fut évêque de ces trois villes. Pour être bref, je ne m'étalerai pas sur les miracles qu’il fit là et comment il convertit ces peuples.




 Plan du couvent d'Ehl renconstruit en  1775 - source BNU strasbourg
On aperçoit St Materne précher sur un tumulus (Maternahugel) selon la croyance populaire ainsi que la chapelle.